Compte-rendu de la 17ème conférence d’ADEQUATION, à Lyon, le 23 novembre 2017

« Marchés immobiliers : se réformer ou se réinventer Analyse des premières orientations gouvernementales »

C’est à l’Institut Lumière que le 23 novembre 2017 avait lieu la conférence annuelle d’Adéquation, le spécialiste des datas du marché immobilier, un des moments phares de la vie immobilière lyonnaise, car il s’y concentre toujours beaucoup d’intelligence et d’idées. Animée par Arnaud ANJORAS Laurent ESCOBAR, Xavier LONGIN, la conférence « Marchés immobiliers : se réformer ou se réinventer Analyse des premières orientations gouvernementales » avait rempli la grande salle de cinéma du Hangar du 1er film de l’Institut Lumière.

Laurent ESCOBAR, directeur associé d'Adéquation

Laurent ESCOBAR, directeur associé d’Adéquation

Xavier LONGIN, directeur général d'Adéquation

Xavier LONGIN, directeur général d’Adéquation

Arnaud ANJORAS, président d'Adéquation

Arnaud ANJORAS, président d’Adéquation

Impacts potentiels des Projets de Loi de Finances 2018 initial et rectifié
L’analyse livrée s’appuyait au préalable sur ce qui avait été discuté pour la PLF (Projet de Loi de Finances) depuis le début de l’été, et en dernière minute, sur l’adoption en 1ère lecture à l’Assemblée Nationale de la partie du PLF relatif à l’immobilier, la veille de la tenue de la conférence.

Le PLF initial, du début de l’été visait à la suppression des principaux dispositifs ou piliers de la politique du logement et de la construction en France, qu’il s’agisse du PTZ (Prêt à Taux Zéro), de la loi Pinel, ou encore de la diminution des APL (Allocation Personnalisée au Logement).

Il s’agit donc de comparer ce qu’il pouvait advenir en cas d’adoption du PLF intial et ce qu’il pourra se passer avec ce PLF révisé et adopté le 22 novembre 2017, et sur cette base de se livrer à l’exploration de pistes, existantes, à différentes échelles, ou créées à l’occasion du PLF, et d’englober ces perspectives dans une réflexion plus vaste, et plus disruptive, face à un besoin important de se réformer, de se réinventer en matière de logements, de construction d’habitats, dans un contexte où, depuis 1976, rien n’a fondamentalement changé dans la politique du logement basée avant tout sur l’aide à la personnes et sur le zonage.

Que dire du 1er pilier de la politique du logement et de la construction de logements, le zonage?
Le zonage concerne 35 000 communes selon des critères qui ne sont pas uniformes et introduisent des clivages.
Les zones A et B1 correspondent aux marchés tendus, et regroupent 41% de la population, pour 65% de la construction et 87% de l’activité de la promotion immobilière.
Les autres zones représentent donc 59% de la population, 35% de la construction et 13% de la promotion immobilière.

Le second pilier, le PTZ (Prêt à Taux Zéro) a concerné 42 500 logements pour des ménages en zone A et en zone B1, et autant en zones B2 et C.
Actuellement, la répartition de l’activité de la promotion immobilière est celle-ci : Zone A 42%, Zone B1 45%, Zone B2 11%, et Zone C 2%.
Selon les différentes zones, la part des investisseurs (ménages achetant pour mettre le bien en location et/ou pour constituer un patrimoine, c’est à dire sans objectif de l’occuper eux-mêmes). est plus ou moins marquée.
Part des investisseurs par zone : Zone A 42%, Zone B1 59%, Zone B2 45% et Zone C 17%.
Un impact potentiel important sur la construction de logements
Les effets de la disparition ou modification importante des différents piliers peuvent être pronostiqués à travers l’exemple de Besançon.
L’hypothèse de la disparition du dispositif de la loi Pinel (ex-loi Duflot), de manière brutale, aurait pu conduire, de manière aussi brutale à un effondrement du marché, comme par exemple, sur le Grand Besançon.

En combinant la baisse de 25% des mises en vente, de 50% des ventes aux investisseurs et de 15% à des occupants (acquéreurs qui achètent pour se loger), on aurait obtenu alors une baisse de 56% du marché.
On aurait pu passer de 364 mises en vente actuellement (12 derniers mois, année glissante de septembre 2016 à septembre 2017) à 273 mises en vente.
De même les ventes à investisseurs auraient pu passer de 329 à 123, et celles aux occupants de 103 à 66.

Le Grand Besançon est une partie du marché français. En se basant sur le même raisonnement, et sur les données de production annuelle et de ventes de logements des 12 derniers mois, de 414 000 unités pour le marché français, on aurait pu voir le marché baisser à un niveau de production de 334 000 unités, soit une baisse de 19,8%, autrement dit 1 logement sur 5.

Les composantes de cette baisse seraient réparties comme suit :
– baisse liée au PTZ : – 19 000 logements
– baisse lié à la modification du Pinel : – 7 000 logements
– baisse lée à la baisse des APL : – 54 000 logements
Cela signifierait une production 2018 équivalente à celle de 2001.

La baisse des APL oppose les bailleurs sociaux et l’Etat. L’impact pour les bailleurs sociaux est de 1,8 milliard d’euros de pertes de loyers, correspondant à une diminution de 75% de la capacité de financement.
Avec la modification du PLF initial, et son adoption récente, on atteindrait un niveau de production de logements pour 2018 de 377 000 logements, soit une baisse de 9%, ce qui nous ferait revenir au niveau de l’année 2013.

« Marchés immobiliers : se réformer ou se réinventer Analyse des premières orientations gouvernementales » compte-rendu de la 17ème conférence d’ADEQUATION, à Lyon, le 23 novembre 2017 (suite)

Les composantes de cette baisse seraient réparties comme suit :
– baisse liée au PTZ : – 7 500 logements
– baisse lié à la modification du Pinel : – 0 logements
– baisse lée à la baisse des APL : – 29 000 logements
À cette baisse du marché (construction et mises en vente), il faudrait aussi ajouter un rallogement des délais de commercialisation des programmes.

Ces données étant posées, la perspective de la révision du dispositif Pinel devrait s’appuyer sur les ventes effectives et les prix dans le neuf, notamment en zone A et en zone B, afin d’avoir un zonage plus pertinent par rapport à la réalité du terrain.
En zone B1, on trouve des villes comme Bordeaux, Toulouse, Nantes, avec pour chacune de ces villes plus de 1000 ventes par an, avec des prix supérieurs à 3500 euros / m2, et moins de 100 ventes avec des prix inférieurs à 2700 euros / m2.
De même, en zone B2, on trouve des villes comme Angers, Besançon, Saint-Etienne, avec pour chacune de ces villes plus de 200 ventes par an, avec des prix supérieurs à 2900 euros / m2, et moins de 100 ventes avec de sprix inférieurs à 2600 euros / m2.
De manière plus fine, sur le Grand Besançon, par exemple, la moyenne des ventes se situe à 290 logements, avec une répartition par strates de prix qui montre une forte concentration sur les tranches 3 000 euros – 3 300 euros, 3 300 – 3 600 euros, et atteint une crête avec une strate à plus de 3600 euros.
L’objectif du PLH Plan Local de l’Habitat est d’atteindre 550 logements, en développant l’offre de logements pour des prix inférieurs à 3 000 euros / m2, pour développer une plus grande accessiblité aux logements pour des ménages dont les revenus sont plus faibles.
Pour atteindre cet objectif, il faut aussi développer de manière corrélative la tranche intermédiaire de 2 700 – 3 000 euros / m2, et légèrement augmenter la tranche à partir de 3 000 euros / m2, ce qui nécessite le développent de la promotion immobilière, car il se crée une péréquation entre l’investissement locatif et l’accession abordable.

Actions sur les villes moyennes de 20 000 à 100 000 habitants
Au-delà des évolutions et des réformes liées au dispositif Pinel, aux APL, et aux PTZ, le redynamisation de la construction de logements pourra s’appuyer sur d’autres actions dans les villes moyennes. À l’ordre du jour, on note la réhabilitation et construction de logements dans les villes moyennes, avec un financement sur 15 ans (1,5 milliard d’euros par Action Logement, 1 milliard d’euros par la Caisse des Dépôts et Consignations), une redynamisation des commerces de centre-ville (pieds d’immeubles et nouvelles opération), le développement du numérique et de l’innovation, et la mise en place d’outils contractuels entre les Collectivités et l’Etat pilotés au plus près du terrain
Ces actions s’accompagneront d’un doublement de l’enveloppe NPRU avec un financement sur 15 ans avec (1 milliard d’euros amené par l’Etat, 2 milliards d’euros par les bailleurs sociaux et 2 milliards d’euros par Action logement).

Des dispositifs nationaux aux outils locaux : faire du PLH (programme local de l’habitat) un outil plus performant en matière de production de logements
À côté des des grands piliers de la politique de la construction de logements que sont le zonage, PTZ, et le dispositif Pinel, il serait important d’approfondir le programme local de l’habitat, en lui adjoignant un objectif de production triennal détaillé pour le logement social, la promotion immobilière et l’habitat individuel.
Pour la promotion immobilière, il s’agirait aussi de décliner des gammes de prix compatibles avec les budgets des ménages locaux.
Il faudrait aussi évaluer à la fin de chaque période triennale le bilan, et éventuellement réajuster en fonction des besoins en PTZ et en Pinel.
L’idée est que l’Etat accorde des enveloppes d’aide sur la base de projets et puisse évaluer l’allocation de ces aides au regard des objectifs initiaux.

Réinventer le rapport à la propriété pour permettre l’accession abordable
Un nouveau dispostif pour pérenniser l’accession à prix abordable est créé, il s’agit de l’Organisme de Foncier Solidaire (OFS) et du Bail Réel Solidaire (BRS). L’OFS acquiert un terrain afin de le conserver, sur lesquel se développent des programmes immobiliers abordables menés par un opérateur responsable du programme, et avec lequel se conclut un BRS. Les ménages achètent grâce au BRS. Le BRS conclu entre l’OFS et l’opérateur est cédé partiellement avec chaque lologement. L’opérateur sort du dispositif quand les logements sont vendus, et les ménages paient une redevance foncière à l’OFS. Le logement peut être revendu à un prix abordable à des ménages éligibles et la plus-value est limitée.

De la pleine propriété à la propriété de la valeur d’usage

N’être propriétaire que de la valeur d’usage permet de rendre solvables de 1,5 à 3 fois plus de ménages. C’est dire l’enjeu de cette nouvelle manière d’aborder le sujet.