« Des hommes », de Lucas BELVAUX, en avant-première au cinéma Pathé Bellecour, le dimanche 11 octobre 2020, dans le cadre du Festival Lumière 2020
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En avant-première, Jean-Pierre Darroussin et Lucas Belvaux ont présenté le film « Des hommes » traitant de la Guerre d’Algérie à travers plusieurs protagonistes qui en sont revenus avec leurs blessures, leur conscience meurtrie, ou leur haine, leurs traumas, et des changements profonds, pour eux-mêmes et leurs proches.


Porté au présent principalement par le trio constitué par Catherine Frot, Jean-Pierre Darroussin et Gérard Depardieu, et au passé par l’autre trio Yoann Zimmer, Félix Kysyl, et Edouard Sulpice.
Le film mêle instants présents, flash-backs et voix off des personnages aux-mêmes.

Bernard (Gérard Depardieu) s’agite dans une ferme délabrée pour retrouver une broche précieuse qu’il va offrir à sa soeur Solange (Catherine Frot) pour son anniversaire, en témoignage de son affection bourrue et maladroite. Malheureusement ces retrouvailles sont aussi l’occasion d’un incident raciste lors duquel Bernard s’en prend à un employé maghrebin de Solange. Il faut la force de 4 hommes pour faire sortir le colosse enragé, qui entreprend alors de se rendre au domicile de l’employé de sa soeur, et d’agresser ou pire, son épouse, tuant leur chien à coups de pelle.
Bernard et son cousin Rabut (Jean-Pierre Darroussin) sont envoyés en Algérie pour y faire la guerre. Dans un premier temps, celle-ci prend l’allure de l’attente de leurs ainés avec l’invasion allemande, une sorte de routine, entre ennui, parties de cartes, permissions, bordels, relations sentimentales, bières et bagarres, jusqu’aux premiers viols, jusqu’aux premiers meurtres, aux premières tueries, lors de raids meurtriers dans des villages à la recherche des Fellaghas et de leurs soutiens. Ces raids et les actes odieux commis par certains soldats font éclater des dissensions parmi les appelés qui ont tous une mémoire proche de l’occupation allemande, une histoire familiale de résistance et/ou de collaboration, et des morts, tués par l’occupant, tenant ainsi une forme de justification ou de légitimité de leurs actions et de leur opinion.
La mécanique de la haine devient implacable lorsque le médecin, figure sacrée en période de guerre, s’occupant des hommes du poste est retrouvé mort, manifestement torturé par les Fellaghas, puis lorsque les hommes du poste restés sur place lors de la permission de leurs camarades sont massacrés, à l’arme blanche pour certains, avec l’ingénieur du poste et sa famille, par ces mêmes Fellaghas.
D’extérieure et imposée, cette guerre devient pour une partie de ces appelés du contingent, une affaire personnelle et intérieure. Les Harkis qui les accompagnent et combattent avec eux deviennent suspects. Quant aux Fellaghas, les appelés, animés par l’esprit de vengeance et la haine, ne les nomment plus désormais que de manière raciste et vindicative.
De retour en France, Bernard, marié à la fille d’un colon, échoue dans sa tentative de monter un garage, et échoue dans la maison familiale, qu’il occupe alors entièrement au décès de sa mère, ruminant son mal-être, sa violence, et sa haine, qu’il retourne en fait contre toutes et tous : lui-même, sa famille, ses proches et les maghrebins. Néanmoins, Bernard était déjà de nature violente avant son départ pour l’Algérie. La Guerre d’Algérie n’aura fait qu’exarcerber son être profond.

Le sujet, difficile, est traité de manière sobre et équilibrée, en s’appuyant sur de nombreux archétypes, figures ou situations bien souvent rencontrées et très réelles, qui font inévitablement écho à la mémoire personnelle de chacun, dans tous les camps, et dans toutes les chaumières aussi.

Généralement éloignés des combats, des guerres, nous comprenons sans doute mal ou ne ressentons pas ce que peut signifier faire la guerre à 20 ans, ou même parfois moins. Nous sommes encore plus démunis pour appréhender ce que subir une guerre peut générer.

Ce film remet « Des hommes » dans leur position de simples mortels marqués par la finitude dans des situations infiniment inhumaines, et l’incapacité d’une rédemption collective ou individuelle par choix délibéré.

Thierry FREMAUX, jean6pierre DARROUSSIN et Lucas BELVAUX, lors de l’avant-première du film « Des hommes », le dimanche 11 octobre 2020, au Pathé Bellecour

Gérard Sanchez

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