La Porte du Paradis de Michael CIMINO, renaissance d’un film de 1980 au Festival Lumière 2016
image_pdfimage_print

Dimanche 9 octobre 2016, dans une salle du Pathé Bellecour, Thierry FREMAUX présentait « La porte du Paradis », de Michael CIMINO, sorti en 1980, retentissant, monstrueux échec commercial, assassiné par la critique d’alors, qui mit fin aux studios United Artists, contraints à la faillite par les lois d’airain des dépenses et des recettes. Ce naufrage dans la case box-office faisait pourtant suite à un énorme succès du même réalisateur, auprès de la critique, du public, et du monde du cinéma, avec « Voyage au bout de l’enfer » qui révélait de futurs grands, Meryl STREEP, Robert de NIRO, et Christopher WALKEN.
Sorti en 1980, le film, vu pour la première fois par l’auteur de ces lignes lors d’une séance de ciné-club lycéen au milieu des années 1980 (merci chers Professeurs), et jamais oublié depuis lors, ce film somptueux, majestueux, connût bien des viscissitudes, passant entre les fourches caudines des nécessités commerciales d’un format plus court, puis d’un repli général des salles qui le présentaient. Oui, il déplût d’emblée aux critiques et au public américain, non pour sa forme, mais pour le fond, sa remise en cause du rêve américain par la révélation d’un épisode peu glorieux et réel de l’histoire américaine, celui de la guerre du comté de Johnson, dans le Wyoming, qui opposa d’une part, l’association des puissants éleveurs de bétail, figure du capitalisme d’élevage et d’héritage, et d’autre part, l’agglomération d’immigrants venus principalement d’Europe centrale et de l’Est, pour faire fructifier les terres que le gouvernement américain leur avaient octroyées dans une région difficile, où le seul produit de la terre ne suffisait pas à nourrir ceux qui la travaillaient et la possédaient. Thierry FREMAUX résuma bien un des positionnements du film par cette formule brève et percutante : « western marxiste ».
Extirpé de l’enfer ou du purgatoire de l’oubli des masses, le film a connu une forme de renaissance, via une nouvelle reconnaissance, portée à la fois par ses fans de la première heure ou des première années, et surtout par le monde du cinéma, lors de la Mostra de Venise de 2012. C’est ainsi qu’une nouvelle version « director’s cut » a pu voir le jour, et c’est celle-ci qui a été présentée au public festivalier et attentif du Pathé, qui se divisait en 3 catégories, ceux qui n’avaient jamais vu le film, ceux qui l’avaient vu une seule fois, et ceux, qui comme l’humble auteur de ces lignes, l’avaient vu plus de 2 ou 3 ou 4 fois.
Exercice délicat celui qui consiste à revoir une n-ième fois un film qui compta, et servit souvent, pour soi, de point de référence lors de la découverte d’autres films, exercice délicat, pour la mémoire sensible, affective, ou critique, car avec les années, le regard porté sur une oeuvre peut considérablement varier.
Disons-le avec force, « La Porte du Paradis », n’a pas vieilli, c’est un film actuel, un film intemporel, et éternel. Les images restent splendides, âpres, brutes et authentiques, ou sophistiquées, éclairées, elles ne sont pas la vision années 1980 du monde de 1885, elles sont les années 1870, 1885.
Les grands thèmes sociaux du film demeurent d’une brûlante actualité.
La durée exceptionnelle du film s’accorde paradoxalement à une exigence d’un temps de plus en plus compté, celui rythmé par les grands espaces, les chevauchées à travers la montagne, ou au contraire par la ruée frénétique des chariots des immigrants pauvres ou aisés, affamés et gelés, se précipitant à l’attaque des tueurs engagés par l’association des éleveurs de bétail, avec une énergie et une détermination autant désordonnées que farouches, pour l’affrontement final entre les deux groupes, avec l’intervention finale de la cavalerie US qui sonne la fin de la partie et de la curée.
A la trame socio-politique générale, se superpose la trame romantique personnelle, mêlant les destins des trois héros d’un triangle amoureux inachevé et funeste, avec la vision moderne de cette femme, Ella, campée par Isabelle HUPPERT, balançant entre deux hommes, Nate CHAMPION, tueur à la solde des éleveurs, prenant le parti des pauvres dont il est issu (joué par Christopher WALKEN) et James AVERILL, marshall formé à Harvard et provenant d’une famille de la très grande bourgeoisie américaine d’alors (Kristopher KRISTOFFERSON), seul rescapé du trio, et dont la vie semble s’achever laconiquement sur un yacht en compagnie de celle qui semble être son épouse.

Be Sociable, Share!
Categories: Cinéma, Festival Lumière